Bio, locale, durable, l'alimentation demeure un marqueur d'inégalités sociales. Créée en 2013, l'association VRAC favorise l'accès, dans les quartiers populaires des grandes villes, à des produits de qualité, aux prix très compétitifs. À la tête de l'asso, Boris Tavernier.
Un débit de parole à la hauteur de son énergie : Boris Tavernier pense et parle vite, avec enthousiasme, lucidité. Depuis 2013, il construit, développe l’association Vrac, basée sur des groupements d'achats rendant accessibles aux habitants de quartiers populaires des produits bio, locaux, de qualité à prix coûtant.Un succès croissant qui balaye tout net les préjugés encore bien présents. « J’ai beaucoup entendu que les gens pauvres s’en fichent du bio, qu’ils n’y connaissent rien, et donc, qu’ils mangent mal », résume Boris. « Or, il suffit de voir le nombre d’adhérents Vrac qui ont une fine connaissance de l’agriculture, de l’alimentation, ou bien encore celui des familles dans lesquelles les parents en sont réduits à se priver, afin que leurs enfants mangent le mieux possible », observe-t-il.
La compréhension des milieux modestes et précaires des banlieues des grandes villes, il la tire aussi de ses origines familiales, avec une « chouette enfance » passée dans le Nord-Pas-de-Calais, à Frévent - « tu retrouves le même isolement, la même précarité économique. Il n’y a que la taille des tours qui change. Après avoir eu mon bac à l’arrache, raté ma fac et enchaîné des petits boulots, je suis retourné chez mes parents à Frévent : je n’y avais aucune perspective d’emploi, ça m’a fait flipper ! »
Âgé de 20 ans, il file à Lyon, se fait embaucher comme intérimaire dans un magasin de jouets avant de s’y faire remercier pour non-respect de la hiérarchie. C’est auprès de deux amis qu’il trouve sa voie : « au début des années 2000, le mouvement altermondialiste grimpe en popularité - en 2001, José Bové et les autres paysans militants des syndicats agricoles Confédération paysanne démontaient le McDonald's de Millau - et je découvre, au côté de mes amis, lors d’un gros événement dans le Larzac, les colas bio, les bières locales et artisanales… ».
Alors le trio monte en 2004 une société coopérative et participative (SCOP), « De L’Autre Côté du Pont », afin de démocratiser les bons produits au sein d’un bar, restaurant, avec offre culturelle. Une aventure riche, longue d’une décennie, qui montre déjà « qu'on peut avoir une consommation différente sans que cela coûte forcément plus cher. Hélas, outre le fait qu’on a ainsi participé malgré nous à la gentrification du quartier de la Guillotière, on touchait seulement un public déjà très averti, engagé - pas les pauvres. » Le constat le pousse vers un Master d’Économie sociale et solidaire, et vers d’autres rencontres, réflexions.
« Avec un bailleur social, Est Métropole Habitat qui était à l'époque dirigée par Cédric Van Styvendael, et Marc Urhy, responsable de la Fondation Abbé-Pierre, que je connaissais tous deux du Bar De L’Autre Côté du Pont, nous avons discuté d’un projet pour favoriser l’accès à une alimentation pour les précaires. J’ai réorienté la réflexion sur du local, du qualitatif - car ça n’allait pas marcher si c’était pour faire comme les enseignes de supermarchés low-cost ! Ils ont financé Vrac et m’ont fait confiance. » Le lancement des premiers groupements d’achats en métropole lyonnaise s’amorce en 2014. Parmi les difficultés majeures : trouver des espaces de stockage toujours plus grands et en adéquation avec toutes les familles de produits à y conserver. « Le nerf de la guerre, c’est le hangar ! ». En 2020, Vrac s’est établi à Lyon, Bordeaux, Paris, Strasbourg, Toulouse, associant bailleurs, centres sociaux, MJC, écoles et collèges, collectivités locales, associations.
Une success-story qui se nourrit des solidarités.
Son portrait foodie !
Votre plat végétarien préféré ?
Les aubergines à la parmigiana.
Votre épice fétiche ?
Le zaatar.
Le fruit ou le légume que vous aimeriez cultiver ?
Les framboises - mes enfants les mangent bien trop vite.
Sur une île déserte, vous emportez…
Des pommes de terre.
Un cadeau culinaire que vous faites souvent ?
Une invitation dans un resto que la personne ne connaît pas. J’ai pas mal de cantines fétiches à Lyon. Et parmi mes coups de coeur récents : La Bijouterie et SAPNÀ.
Un livre incontournable sur la cuisine ?
On va déguster, de François-Régis Gaudry (éd. Marabout).
L’urgence pour mieux manger ?
On dit toujours que les produits sont trop chers. Ce sont surtout les salaires qui ne sont pas assez élevés. L’idée d’une « sécurité sociale alimentaire » est très valable à mes yeux !
Il faut aussi une nouvelle politique agricole commune, à orienter en faveur des paysans les plus respectueux de l’environnement et du consommateur.